Le trajet de réintégration va souffler sa 1re bougie : bilan
La possibilité d’entamer un trajet de réintégration pour un travailleur en incapacité de travail est entrée en vigueur le premier janvier 2017. Un an après, où en est-on ?
Nos premières constations
Après les premiers mois d’expérience, nous avons déjà pu tirer les constatations suivantes, dont certaines sont assez interpellantes :
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La majorité des demandes semblent être une « prolongation » de l’ancienne procédure, à savoir l’ «évaluation de santé d'un travailleur en incapacité de travail définitive en vue de sa réintégration ». En effet, dans à peu près 80 % des cas, la demande émane du travailleur lui-même ou de l’employeur en possession d’une attestation mentionnant « l’incapacité définitive pour le travail convenu ». L’intention clairement exprimée est qu’une incapacité définitive (sans possibilité de travail adapté ou autre travail) soit reconnue, l’objectif étant de pouvoir mettre fin au contrat de travail pour force majeure médicale. Ceci est facile à expliquer : la majorité des demandeurs sont des personnes qui font l’objet d’une suspension par l'assurance maladie, et qui se jugent incapables de reprendre leur travail plus tôt. Il est rare que les travailleurs, qui souhaitent effectivement être réintégrés, introduisent leur demande via la procédure légale. En effet, à côté de la voie légale formelle, il existe également une voie informelle. (voir ci-dessous)
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Nous sommes face à la même problématique pour la majorité des demandes qui émanent de l’employeur. Dans la plupart des cas, l’objectif avoué est d’aboutir à une fin de contrat de travail pour force majeure médicale afin de réduire le passif social de l’entreprise.
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Seulement 4 % des demandes émanent des médecins-conseils de la mutualité. L’intention des dispositions sur la réintégration était pourtant de permettre aux médecins-conseils de déterminer qui étaient les malades pour lesquels on pouvait envisager une réintégration chez leur employeur et de les renvoyer vers le médecin du travail pour entamer un trajet.
Combien de trajets de réintégration ont réussi et abouti à une reprise du travail ? Il est encore trop tôt pour pouvoir exactement l’évaluer, mais la réalité nous oblige à considérer que ce nombre sera limité.
Une vision élargie
Il serait cependant injuste d’évaluer les efforts que les entreprises font dans la réintégration uniquement sur la base du nombre de trajets légaux de réintégration clôturés avec succès, à savoir reprise d’un travail adapté ou à un autre travail.
Il y a beaucoup d’initiatives non visibles dans les chiffres. Nous conseillons donc d’interpréter la réintégration de façon plus large et de prendre les aspects suivants en considération :
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A côté de la voie formelle légale, il existe une voie informelle favorisant la réintégration. Nous avons même tendance à privilégier cette voie informelle. Si l’employeur veut effectivement réintégrer un travailleur, les deux parties peuvent tout simplement discuter quelles pistes peuvent être envisagées. Le travailleur peut alors solliciter une « visite de pré-reprise » auprès du médecin du travail. Contrairement à la procédure formelle, le médecin ne devra pas prendre de décision quant à l’aptitude du travailleur. Il pourra donner un avis informel sur la façon dont le retour au travail peut être envisagé et sur les mesures qui pourraient y aider. Cela se passe souvent ainsi dans la pratique.
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Il existe d’autres formes de réintégration, non prises en compte dans la définition légale. Nous considérons ici les personnes qui, après une (longue) absence, retrouvent directement leur travail initial. Nous prenons également en compte les travailleurs qui ont un problème de nature médicale et qui, grâce à un travail adapté, peuvent rester en place sans devoir s’absenter. Cela nécessite des efforts de la part des parties concernées : employeur, travailleur, ligne hiérarchique, … Et ce n’est pas visible dans les résultats des trajets légaux de réintégration.
Il est trop tôt pour savoir si les nouvelles dispositions sur la réintégration se solderont par un succès. La préparation et l’entrée en vigueur de la législation a suscité une prise de conscience au niveau de la société et de l’entreprise. La problématique des malades de longue durée est aujourd’hui reprise à l’agenda de la concertation sociale dans l’entreprise.
La réintégration est difficile, mais pas impossible. L’expérience de cette année nous a démontré que seule une politique intégrée facilitera non seulement le retour au travail, mais permettra également d’agir avant l’absence. C’est cette vision que nous développons dans l’article « un cadre légal est-il incontournable pour réintégrer les absents de longue durée »
A quoi s’attendre en 2018 ?
La demande de l’employeur s’élargit aux absences d’avant 2016
Le moment à partir duquel un trajet de réintégration peut démarrer dépend de qui émane la demande.
Actuellement, l’employeur peut uniquement rentrer une demande pour ses travailleurs dont l’incapacité avait débuté après le 01/01/2016. A partir du 1er janvier 2018, l’employeur pourra également entamer un tel trajet pour ses collaborateurs absents avant le 01/01/2016 mais toujours dans deux cas bien distincts :
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Au plus tôt à partir de quatre mois après le début de l'incapacité de travail du travailleur
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A partir du moment où le travailleur lui remet une attestation de son médecin traitant dont il ressort une incapacité définitive à effectuer le travail convenu
Evaluation de la réglementation actuelle
Dans sa note de politique générale, le ministre de l'Emploi, Kris Peeters, mentionne qu’une évaluation des dispositions sur la réintégration des personnes en incapacité de travail sera effectuée en collaboration avec les partenaires sociaux et la ministre des Affaires sociales, Maggie De Block.
Au programme : évaluation des premiers résultats et identification des modifications éventuelles en vue d’assurer un fonctionnement optimal du système.